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L'inexistence
- Le 21/10/2024
- Dans Quelles nouvelles ?
l-inexistence-0724.pdf (240.46 Ko)
Cette nouvelle a été écrite dans le cadre du Prix Gérard de Nerval de la nouvelle 2024. Lauréate avec 15 autres nouvelles, elle est publiée dans un livre aux éditions Arthemuse.
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Ainsi va la vie
- Le 22/08/2024
- Dans Au rythme d'un poème
Quand le matin passe maussade et gris
Un message t'avertit qu’un ou une est parti,
Qu’il s’est absenté un jour et pour l’éternité,
Remettant instananément en place ton humilité et tes pensées
Toi qui ne pensais qu’à ta journée mal commencée.
La vie te rappelle qu’il y a une rive ailleurs,
Où nous débarquerons un jour avec le poids de notre âme et notre cœur,
Accueillis par ceux que nous aimions, qui nous attendent en chœur.
Là, nous devrons rendre compte de nos choix, peser malheurs et bonheurs
Avec l’espérance de la bienveillance avec laquelle nous attend le Seigneur.
Loin de nos vies, près de Lui,
dans l’amour de Son coeur, sous les feux de sa splendeur.
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Visages d'un jour
- Le 22/08/2024
- Dans Au rythme d'un poème
La joie ressemblait à Annie ce samedi,
Avec ce naturel dynamique et joyeux,
qu’une bise rend heureux,
Le partage inattendu vint de Magda ce matin-là,
cachant sa fragilité émotionnelle dans son travail manuel,
et se créant une carapace, pour ne pas lui laisser de place
La bienveillance se nommait Constance,
Invitant à discuter autour d'un café à l’épicerie solidaire
De l'importance qu'a pour elle Dieu le Père
La gentillesse ne quittait jamais Brigitte,
Toujours souriante, pleine de foi et d’énergie
et pour chacun, toujours un mot gentil
Le bruit du silence était celui d’un écran tapoté,
Sur lequel pianotait un couple ukrainien, sourd muet,
Seul moyen qu’ils avaient trouvé pour communiquer.
L’amitié s’appelait Fatima, que j’ai prise dans mes bras,
Il est important de savoir sur Qui compter,
Quand on porte seule une famille et ses difficultés.
La souffrance avait le visage de Laetitia ce jour-là
Blafarde, les traits tirés de la personne qu’on vient d’opérer,
et qui espère que demain, tout va s’améliorer.
L’espérance avait le visage d'une jeune fille ce samedi,
épuisée par les douleurs, mais pleine de cet espoir sur son lit,
Que, désormais, va renaitre sa vie.
La serviabilité était grande, belle, noire et enturbannée,
Et gardait avec efficacité les caisses d’un supermarché
Souriante et amusante, elle était là pour aider et dépanner.
L’absence n’avait pas de visage mais des mots pesés
Des messages d’encouragement, et d’amitié
Une présence par la fraternité
On ne compte jamais les visages qu’on croise dans une journée
Et on ne garde en mémoire que ceux qui nous ont marqués,
Alors qu’il y en a tant qui ont contribué avec discrétion à l’enjoliver
A bien observer, la foi n'était pas nommée,
mais derrière tous ces visages et ces partages,
c’était le Sien bien vivant, qui était présent.
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Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?
- Le 22/08/2024
C’est ce que chante Michel du fond de sa cuisine en rangeant des sacs en papier vides ; il s’occupe. Il aime et a toujours aimé chanter. Le refrain tourne en boucle et semble suffire à son bonheur. Cela lui a enlevé de la tête l’idée fixe qu’il avait depuis une heure : comment peut-on faire pour cuire plusieurs plats en même temps ?
Pendant ce temps son épouse me demande ce qu’ils vont devenir maintenant. Elle aimerait bien qu’ils aillent ensemble à la maison de retraite. Elle est très contrariée par le kiné qui l’a abandonnée. Alitée depuis bientôt un an, les os dessinés par la peau qui les colle, sans plus aucune graisse ni muscle, elle ajoute - en reprenant son souffle grâce à l’oxygène qu’elle reçoit en continue - qu’elle va en trouver un autre. Il faut bien, dit-elle comme une évidence, car sinon comment va-t-elle pouvoir remarcher s’il ne l’aide pas ? Cette espérance me touche tant sa voix est faible aujourd’hui, il faut s’approcher, elle est épuisée. Elle m’explique de son filet de voix, qu’il y a bien plus malheureux qu’elle. Elle a de la chance de vivre avec son Michel. Toutes ces années d’amour ! Certains jours, elle ne le supporte plus, surtout quand il l’empêche de dormir la nuit en tournant dans l’appartement avec son déambulateur pendant des heures. Mais pourtant, elle l’aime tant ! Elle est même un peu jalouse quand l’auxiliaire de vie vient coucher son mari le soir. Elle était persuadée qu’elle restait dormir près de lui et ignorait qu’on avait dû mettre un lit médicalisé à son mari pour qu’il ne tombe plus la nuit.
J’ai cru plusieurs fois qu’elle n’en avait plus pour longtemps et je la retrouve la fois suivante, plus vaillante. Elle est vraiment étonnante. « Le secret, c’est l’amour, me glisse-t-elle, et Lui, là-haut… ». Elle me tient la main comme un enfant son doudou, et me montre avec fierté, sur son bras décharné, le bracelet en tissu avec une médaille de la Vierge que je lui ai donné en février pour qu’elle ne se sente plus jamais seule. Un lien particulier s’est noué depuis, invisible mais si spécial et si fort.
Avant de partir, elle me réclame un bisou. Plusieurs bisous. « Merci ! Ça fait tellement de bien ! Je vous aime » me dit-elle les yeux brillants d’émotion. Elle fait partie de ces personnes qu’on ne peut qu’aimer, tant elle est touchante, pleine de vie dans l’épreuve, pleine d’espérance. Chez ce couple très âgé, il y a toujours et encore de la vie, jusqu’au bout, et après le bout... Et surtout tant d’amour.
Et Michel qui continue de chanter joyeusement à tue-tête un répertoire français d’une autre époque : « Auprès de ma blonde, qu’il fait bon, fait bon dormir… » « comment ne pas perdre la tête, serrée par des bras audacieux… »
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Bonheur du jour
- Le 29/01/2024
- Dans Quelles nouvelles ?
Cette nouvelle a été écrite dans le cadre du Concours de nouvelles 2023 de l'association "écrire à Versailles". Sélectionnée parmi les finalistes (5me) qui ont été édités dans un recueil publié par l'association
bonheur-du-jour-1.pdf (176.84 Ko)
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@langedejouy
- Le 20/09/2023
- Dans Quelles nouvelles ?
Ce texte a été écrit à l'occasion de la deuxième édition du prix littéraire de Jouy-en-Josas en 2023, et a remporté le Prix Coup de Coeur
langedejouy.pdf (cliquez pour charger le fichier)
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Sur la route
- Le 16/08/2023
- Dans Au rythme d'un poème
Sur la route, j’ai laissé derrière moi clients et dossiers pour quelques congés qu’on dit mérités
Quittant une région parisienne désertée,
où août ne laisse plus dans les rues que personnes âgées
et ouvriers s’activant courageusement aux travaux d’été.
Sur la route, à mesure que les kilomètres filaient, ma vie défilait
Seule dans ma clio, comme nous l’étions jeunes mariés,
le nid s’est vidé et la berline familiale n’a plus d’utilité.
Mes pensées voyagent des temps forts de cette année écoulée aux projets de la rentrée.
Sur la route, les lignes m’hypnotisent et me conduisent,
Sans que le temps après lequel je cours si souvent, n’ait plus l’air important.
Sur fond musical, plein de poésie française, l’aiguille de vitesse paresse et s’abaisse,
Permettant aux paysages de dévoiler leurs beautés que les bolides SUV ignorent sans pitié.
Sur la route, pour se rejoindre, il suffit d’avoir laissé le quotidien, sans besoin d’aller bien loin.
A l’instar de la vie, offrant de multiples possibilités de destinées à discerner,
Les routes se font plus vallonnées, champêtres et enlacées,
Aux couleurs repeintes, chaque heure selon la luminosité, chaque saison selon les plantations.
Et si, au bout de la route, après de petits villages où s’ajoutent chaque année des nouveautés,
se trouve un lieu familier, plein de cette intimité de l’enfance, presque un musée,
le cœur allégé du poids du quotidien, ici ou ailleurs, il sera bien temps d’arriver,
après un voyage intérieur plein de douceurs, après une route dessinée avec sérénité.
Bel été.
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Allo la Terre ?
- Le 24/04/2023
- Dans En vrac
Vous croyez aux coïncidences ? Mardi : une succession de contretemps me laissent 45 mn à occuper avant le rdv suivant. Une évidence me vient spontanément : Mme M. qui est sortie de l’hôpital quelques jours plus tôt. Aucune urgence a priori, pourquoi pas. Je me rends donc à sa résidence senior et trouve sa porte close (elle la laisse toujours ouverte, étrange). Je descends à l’accueil et nous remontons à deux avec ses clefs. Nous pénétrons dans le petit studio de Mme M. qui est allongée sur son divan en position fœtale. « Vous pensez comme moi ? » m’interroge la responsable. Yeux mi-clos, bouche entrouverte avec un filet de bave blanche sèche, une main pendante violacée, peu de doutes. Je m’approche, passe ma main devant bouche et nez sans sentir de souffle, puis touche son pouls inerte…
« Je descends appeler les pompiers et les attendre » me dit la responsable, et sans avoir le temps de réaliser, me voilà seule face à la dépouille de Mme M. J’étais venue m’occuper de payer ses factures et trier son courrier… Je me dis que ce concours de circonstances qui m’a amenée là où je n’aurais jamais pensé être il n’y a encore qu’une demi-heure était pour le moins surprenant et peut-être pas un hasard. J'ai un job à faire ? Une lettre ? : « Cher Bon Dieu, vous trouverez ci-joint l’âme de Mme M. qui vient de nous quitter. Charmante petite mamie, sans famille, toujours le mot gentil, touchante et un peu espiègle, veuillez la recevoir dans la paix qu'elle mérite, elle n’a pas toujours eu une vie facile. Bonne réception. Avec ma plus fervente considération…. » Je scrutais le visage de Mme M. partie seule sur l’autre Rive. Allez zou, une petite prière, ça ne fait de mal à personne... La paix régnait dans le studio.
Dix bonnes minutes avaient dû passer, quand arriva son ami de 20 ans, un ancien voisin d’une quarantaine d’année. Il venait d’annuler un rdv, car il avait ressenti un fort besoin de venir voir Mme M. sans tarder, sans comprendre pourquoi. Il était très affecté de la nouvelle. Alors que les pompiers s'affairaient à constater l'évidence, nous avons partagé sur cette surprenante coïncidence qui nous avait fait venir tous les deux ici, alors que nous avions d’autres engagements… Qui sait dans combien de temps on l’aurait trouvée sinon. Il me raconta qu’elle plaisantait souvent : « ça ne doit pas être si mal là-haut, puisque personne n’en est revenu » et lui la taquinait : « vous me ferez signe quand vous y serez arrivée ».
- Nous sommes là tous les deux alors que nous n'aurions pas dû, ne cherchez plus, vous l’avez reçu votre signe !